Voici 3 textes issus du livre.
A chaque texte correspond une peinture.

--> TEXTE-1 : " L'ENFANT "
--> TEXTE-2 : " DANSE AVEC LE SOLEIL "
--> TEXTE-3 : " LE PROMONTOIRE "

L’ENFANT

Il y a longtemps, si longtemps déjà, car le temps qui nous sépare de l’enfance est infini, en cela il est de l’ordre de la peinture, de l’image, de la représentation car il n’a plus d’autre référence hormis l’immédiat que lui-même et qui s’est refermé sur lui-même, mais parlons de celui-là, allez, je le dis, celui-là est beau comme Goya, quand il peignait le petit chien tout en bas du grand mur. Le petit chien-là est un enfant entre deux mondes, un enfant occupé à je ne sais quel mystère enfantin, les joues rougies par le vent ou l’excitation, seul dans un monde de solitudes infinies, de limbes qu’il ne finira jamais de traverser. Fait-il du feu ? Dessine-t-il dans le sable ? Il est seul au monde. Il est le monde à lui tout seul. Il est l’enfant sorti de l’œuf et l’enfant dans l’œuf. Il est Dieu. Oh, que Dieu est seul. Il est tout ce qu’il a dans la tête et ne se voit pas, ne s’entend pas, ne s’imagine pas, il est hors de. Cherchez la maison, cherchez l’arbre, cherchez l’oiseau, cherchez la maman, le papa, cherchez, vous ne les trouverez pas, le monde est nu, et l’imagination est pleine.
Pourtant quelqu’un l’appela. Il ne répondit pas.
Il ne voulait pas revenir en arrière. Revenir, c’est grandir. Quelqu’un l’appela encore. Pourquoi ne peut-on pas se libérer du nom qui vous enchaîne à ceux qui vous ont faits. Dans sa tête, il se donnait bien d’autres noms plus glorieux. On l’appela encore. Allons, il fallait bien répondre quitte à y laisser la voix et la joie, quitte à souffrir mille morts en marchant comme la sirène d’Andersen. Revenir, c’est grandir.
Le temps dévore les enfants pour en fair des adolescents mal dans leur cœur, dans leur corps.
Heureusement, les filles l’aidèrent à sortir de sa carapace de homard breton. Une fille en particulier. Si j’avais le temps, je vous raconterais l’histoire. Je vais le prendre, de toute façon, il faut bien tourner la plage.

Ricardo Montserrat