Voici 3 textes issus du livre.
A chaque texte correspond une peinture.
LE PROMONTOIRE
Il se dit une fois encore que tout ce paysage
n’est qu’une incessante métaphore de l’amour.
Il voudrait être capable de faire l’amour le
jour, de peindre dans la lumière et l’espérance, il
voudrait être japonais ou chinois et transformer
chaque regard, chaque geste en une cérémonie
chargée de symboles. Il voudrait peindre une
vague aussi belle que celle de Hokusaï. Et le
voilà encore et encore, bandant dans la nuit noire,
debout, adossé à un tout un arrière-pays
d’anxiétés, à tenter de baiser cette diablesse de
payse, sans cesse en mouvement, cette chienne
dansante, cette endormie le jour et déchaînée la
nuit, cette lavandière aux jupons blancs sous le
capot de deuil noir. Il est perdu, désorienté dans
les landes hérissées de la mémoire et la voilà...
Monte une phosphorescence crémeuse qui
allège l’obscurité. Il a envie d’elle. Il l’entend
battre ses linges, il faudrait qu’il résiste mais son
sexe est déjà dressé, il rit, on dit aussi qu’un
cheval est dressé, ce n’est pas pour rien qu’il
s’appelle Marc, le cheval, le roi à l’épée.Épée ou pinceau. Peins, pénis. Les images sont trompeuses mais les mots sont précis. Et le peuple n’en a pas peur. Finalement, tout est simple la nuit, il suffit de s’abandonner, de saisir à pleines mains les draps trempés que tend la belle lavandière au sourire mortel, et de se laisser briser, moudre, triturer, hacher, exploser en milliards de gouttelettes et d’atomes, et la vague finale n’est que sperme
lumineux, orgasme assourdissant qui le laissent sur la plage de l’aube, exténué, heureux, défait, et prêt à affronter l’humanité.
Ricardo Montserrat